Monday, March 18, 2013

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7 /10
18/03/2013 / Adrien Toffolet 
 
Il est des gens que l'on n'imagine pas revoir en vie ou en bonne santé. Oussama Ben Laden, Tamiflu (le chat angora du voisin qui passe devant ta voiture sans prévenir), ou, tiens, Paul-Loup Sulitzer. Et puis il y a aussi les Black Rebel Motorcycle Club. D'ailleurs, on ne le dit pas assez, mais peut-être que s'ils n'avaient pas écrit certaines chansons (à commencer par celle-là, et aussi celle-là), on se serait amusé à moquer ce cliché ultime qu'est leur nom de scène, sorte de caution rock'n'roll avant même d'appuyer sur lecture.

Enfin bref. On n'imaginait pas, donc, voir resurgir le Black Rebel Motorcycle Club. Il faut dire que la Vie de manière générale n'a pas été une bonne copine, et ce depuis les débuts du groupe, tant elle s'amuse à leur chatouiller les fesses avec la faux empruntée à son homologue des ténèbres. En plus d'être d'incurables insomniaques (problème qui peut provoquer : troubles du comportement, baisse de la vigilance, dépression, irritabilité, somnolences, obésité ou encore augmentation du risque de faire un infarctus du myocarde), ils font partie des ces gens touchés par le vice rigolard de la Malchance. Et avec les BRMC, la Malchance est vicieuse. Elle est responsable, par exemple, du pillage de tous leurs instruments juste avant le début d'une tournée, mais aussi du jour où leur label les a lâché en pleine tournée (ils ont dû financer eux-mêmes la fin de celle-ci), et, plus récemment, du décès, juste après l'un de leurs concerts, de Michael Been (ex-chanteur de The Call) père de Robert Levon Been (le bassiste) à seulement 60 ans, alors qu'il occupait le poste d'ingé son/conseiller du groupe.

Et il faut avouer que tous ces coups durs ont permis de façonner l'image qu'ils voulaient donner d'eux-mêmes, avec l'apparat des rockeurs maudits, des dégaines de pouilleux (boots, jean noir, perfecto et cheveux sales). Ça collait bien à leur musique : un rock tantôt psychédélique, tantôt acoustique, mais toujours bruyant, sombre, tordu, poisseux. Aujourd'hui, si Peter Hayes, Robert Levon Been et Leah Shapiro sont toujours les mêmes, leur musique prend un virage inattendu. Et là on dit : merci la Mort.

D'abord, il y a ce titre : Specter at the Feast. Comme une manière de reconnaître le fantôme qui plane sur l'album. Et de faire une référence littéraire, comme c'est souvent le cas chez eux. Robert Levon Been, dans une interview réalisée fin janvier, nous expliquait ce titre : « C'est un passage de Macbeth. C'est une manière d'évoquer la mort de mon père, sans pour autant en faire le thème central ». Visiblement exténué (les insomnies, toussa), il concluait dans une veine caractéristique, à mi-chemin entre le mystique morbide et la déclaration glaçante de lucidité : « Mais parfois, je ne sais pas si le fantôme vient de l'extérieur ou si, au final, les spectres, c'est nous, et que la fête se déroule ailleurs ».

Il aura fallu un événement tragique (« ça nous a affecté à un point inimaginable », confiait Shapiro) pour sortir le trio de ses habitudes musicales. Depuis Baby 81 (2007), leur musique tournait sacrément en rond. Avec Beat The Devil's Tatoo (leur dernier album, sorti en 2010), on sentait que les BRMC peinaient à sortir de leurs habituels gimmicks rock et folk-rock. On les voyait déjà embarquer dans une carrière à la Motörhead, avec un son, des postures bien prédéfinies et des albums presque identiques.

Sans jamais verser dans le pathos, l'album est un bel hommage au papa décédé. À commencer par leur reprise de « Let The Day Begin », l'unique tube de The Call, dont la version originale de 1989 permet de comprendre d'où vient une partie de la rythmique des BRMC, tant on imagine bien les paroles de « Spread Your Love » collées dessus. Avec cette reprise, ils signent enfin un tube avec quelque chose qui s'éloigne de leur signature classique (on pense notamment à Kasabian, avant qu'ils ne partent à l'assaut des stades). Au delà ce ça, le groupe tâtonne dans des territoires encore moins familiers. Le premier morceau, « Fire Walker » pose quelques ambiances stoner rock à la Dead Meadow. On retrouve aussi quelques accents pop folk avec « Lullaby ». Ou encore un peu de Sigur Ros pour le côté cotonneux de « Returning » et surtout « Sometimes The Light ». De quoi surprendre les monomaniaques de la première heure.

Mais jusqu'ici, on peut surtout parler de tâtonnement. « Rival » et « Teenage Disease » prouvent qu'il est difficile de tout chambouler d'un coup d'un seul. Les ambiances des morceaux restent proches de ce qui a fait leur succès, à un détail près tout de même : si les guitares sont saturées, le tout est... mou, et manque carrément d'énergie. Et étonnamment, au lieu de rendre l'album ennuyeux, le résultat est assez agréable à écouter. Le BRMC redevient intéressant grâce à un renouvellement par la lenteur. Plutôt original !

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